L'interview inattendue - Reiner Kaptein, directeur de la Sogemar :

Postée le 14/10/2022

Derrière les entreprises composant la filière Normandie Maritime se nichent des hommes et des femmes au parcours et aux compétences souvent mal connus. A travers sa newsletter, Normandie Maritime se propose chaque trimestre de dresser le portrait d'un chef d'entreprise ou d'un responsable de secteur par le biais d'une interview inattendue.

Normandie Maritime : depuis quand travailles-tu au sein de la Sogemar et quelles sont tes attributions exactes ?

Reiner Kaptein : "j'ai intégré la sogemar en octobre 2017. A l'origine, je travaillais dans l'offshore. Voulant me sédentariser car ma femme est caennaise, j'ai eu l'opportunité de travailler avec une société du coin, ITP, qui fabrique des pipelines offshore. Quand l'activité a baissé, le directeur de Sogemar qui partait en retraite et que j'avais eu l'occasion de connaître m'a demandé si le poste m'intéressait, et j'ai accepté de prendre le relai. Mon travail consiste à faire tout ce que les autres ne font pas, suivi comptable et juridique, partie technique, développement et relations clients car nous n'avons pas de commerciaux".

NM : Que fait la Sogemar et quelle est d'après toi sa grande force ?

RK : "La Sogemar a quatre activités principales : la manutention portuaire, le stockage, la consignation de bateaux, et les formalités douanières. Elle compte 17 salariés. Nous travaillons avec une société de dockers à part, Caen Manutention Portuaire. La manutention est faite par les employés de la Sogemar. L'activité est assez irrégulière, car nous travaillons beaucoup pour Agrial, qui représente le gros du tonnage de la Sogemar. Selon les volumes de récolte, l'activité peut varier énormément, entre 250 et 450 000 tonnes. Cependant, ce travail est très automatisé et peu consommateur de temps-homme. Nos autres trafics sont le déchargement de bois exotique, les big bags de litière pour chats, et le bois du Nord résineux qui s'est bien développé. En liquide, nous importons de la mélasse de manière assez marginal. La grande force de la Sogemar est sa polyvalence. Nous sommes l'unique manutentionnaire sur le port et il n'y a donc pas de spécialisation dans les tâches. Nous pouvons traiter du vrac, du conventionnel, des grosses pièces, des containers, des big bags, pour des bateaux de 2 000 à 25 000 tonnes et c'est un réel atout. La flexibilité qui va avec, notamment du personne formé pour traiter toutes ces marchandises, en est également un".

NM : En tant qu'Hollandais d'origine, et en toute honnêteté, quel regard portes-tu sur la manière de travailler des entreprises françaises ?

RK : "En fait, j'ai peu de références. J'ai bien commencé ma carrière chez le néerlandais Shell mais j'ai très vite travaillé en France car ma femme est normande. Néanmoins, en Hollande, le travail est très cadré et apaisant. Les salariés commencent et terminent à des heure bien précises et sont rarement très stressés. Quand le travail est terminé, on éteint les portables. C'est très structuré et cela amène un certain apaisement. Et tout le monde arrive à l'heure aux réunions. En France, les échanges sont plus nourris, sociales, enrichissants, avec différents acteurs. Les gens ont peut-être des revendications à dire mais cela a plus de charme. Cette manière de travailler moins cloisonnée apporte plus de variété et de hasard. Je sais que mes parents et mon frère qui sont très cartésiens ne pourraient jamais travailler en France ! Quand ils viennent, ils trouvent que c'est toujours le bazar. Personnellement, je trouve la manière de travailler en France très charmante et agréable. Quand j'ai commencé à travailler pour Technip en France, il y avait une sorte de présentéisme qui faisait que les gens, notamment les cadres, restaient plus longtemps que nécessaire, y compris quand le travail était fait".

NM : Quel est ton expérience ou ton souvenir de travail le plus enrichissant au sein de la Sogemar ?

RK : "Au quotidien, les échanges avec la CCI de Caen et avec Ports de Normandie sont très enrichissants et permettent de construire l'activité portuaire sur la zone du canal. Avec la CCI, on travaille énormément ensemble et c'est un partenariat qui permet de bien développer l'activité. Après, étant ingénieur à la base, il a fallu que je m'adapte à certaines tâche qui m'étaient inconnues comme la partie juridique ou comptable. La société m'a permis de suivre une formation pour ça et cela a représenté une expérience enrichissante".

NM : Et quelle est la pire expérience professionnelle rencontrée dans ton travail ?

RK : "Nous devions charger un bateau avec des copeaux de bois pour un nouveau client avec lequel nous avions longuement échangé pour voir les équipes à mobiliser et les équipements à calibrer. Au moment de charger, sur les deux grues utilisées, au bout d'une demi-heure, la première est tombée en panne, diminuant de moitié nos capacités. Pour charger, nous avions un temps alloti de 36 heures. Les équipes qui devaient intervenir pour réparer sont à leur tour tombées en panne. Après, nous avions mis un engin dans la cale, spécifique pour cette marchandise avec un sous-traitant qui a estimé au bout d'une demi-journée qu'il n'était pas adapté à son activité et qui l'a retiré ainsi que toute son équipe. La nouvelle est arrivée avec des heures de retard. Et le client qui était sur place commençait à avoir de sérieux doutes sur nos compétences de manutention. Une catastrophe de A à Z. Comme dit votre président, les emm…, ça vole en escadrille. Au final, on a réalisé le chargement, avec du retard, mais le client a bien vu que nous faisions le maximum pour minimiser les impacts et a été compréhensif. Bref, une journée cauchemardesque ! Mais cela ne s'est jamais reproduit".

NM : Dans tes fonctions à la Sogemar, quelles rencontres avec des chefs d'entreprises ou responsables de secteur normands t'ont le plus marquées et pourquoi ?

RK : "À la CCI Caen, Antoine de Gouville, le directeur des équipements portuaires, est toujours très disponible pour échanger et trouver de nouveaux moyens pour développer l'activité portuaire. C'est clairement quelqu'un qui m'a marqué, comme plusieurs personnes à la CCI. J'ai également d'excellentes relations avec des clients importateurs, dans l'activité du bois exotique ou celle des big bags. Ce sont des personnages très attachants, assez extraordinaires, avec une approche pas du tout cartésienne, mais qui arrivent à façonner leur environnement de manière à ce que cela fonctionne, et que cela soit très agréable. J'ai beaucoup de respect pour des gens arrivent à monter leur propre entreprise et à la faire fonctionner, comme c'est le cas de nos clients qui importent de la litière pour chats en big bags sur le port".

NM : Sans trahir de secrets ou de projets futurs, quels sont tes rêves professionnels avec la Sogemar ?

RK : "J'aimerais amener plus d'activités sur le port à Blainville. L'activité portuaire crée des pics d'activités. Parfois, sur une semaine, il y a plusieurs bateaux qui arrivent et tout le monde court dans tous les sens, et la semaine suivante, il y a zéro bateau. J'aimerais trouver des activités qui permettent de lisser un peu le travail. C'est déjà un peu le cas avec les big bags qui stabilisent le travail des équipes. Depuis l'an dernier, on a eu sur le port un retour des arrivages de bois scandinaves mais aujourd'hui, ce bois du nord est devenu trop cher pour le marché, ce qui a mis un coup de frein drastique à cette partie. J'aimerais vraiment développer des activités plus diversifiées qui rendraient la Sogemar moins dépendante de certaines activités trop concentrées. Nous avons été sollicités dans le cadre des EMR mais au final, cette activité s'est installée à Cherbourg et au Havre et nous sommes restés sur notre faim. Nous sommes en pourparlers pour faire transiter du sable et du gravier dans le cadre du Grand Paris. Et nous aimerions développer l'activité ferrailles que nous avions déjà localement auparavant et qui a beaucoup diminué. Il y a peut-être quelque chose à faire de ce côté. Et d'une manière général, ce qui me ferai plaisir, c'est que le port de Caen et ses activités portuaires soit moins méconnus. Elles sont pourtant essentielles dans la chaine logistique. Les autorités portuaires investissent beaucoup dans ce secteur, avec notamment une nouvelle desserte routière et la réfection du pont de Colombelles, l'embectage des écluses. On voit beaucoup les camions qui transportent les marchandises depuis le port mais on ne voit pas l'activité portuaire qui s'y rattache".

 

 

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